« Je voudrais que les murailles de nos 70 000 écoles fussent couvertes, du haut en bas, d’images » : dès le Second Empire, le ministre de l’Instruction publique Victor Duruy se désole de la pauvreté de l’imagerie au sein des écoles, limitée à des coloriages religieux et à quelques cartes de géographie. L’éducation, et en particulier l’enseignement de la géographie, devient alors sa priorité.
Paul Vidal de La Blache (1845-1918), un géographe français de renom, est lui aussi convaincu que la France ne doit pas être en retard sur le terrain scientifique et devient alors l’un des plus ardents promoteurs du développement de la géographie. Cette discipline scolaire, devenue nationale et qu’il dispense lui-même à l’École normale supérieure de Paris, lui confirme bientôt la nécessité de disposer de nouveaux matériels pédagogiques.
Pour y remédier, Jules Ferry crée en 1879 la « Commission de la décoration des écoles et de l’imagerie scolaire » et en 1904, suite à la tenue d’un congrès spécial, la collection des quarante-quatre cartes murales créées par Paul Vidal de La Blache est publiée chez Armand Colin. Leur caractère didactique, valent à leur auteur un succès immédiat : les planches pédagogiques géographiques envahissent les murs des écoles ! Elles sont largement plébiscitées par les enseignants, qui voient un moyen efficace d’expliquer et d’illustrer les connaissances à leurs élèves, et la possibilité d’échanger et de travailler en commun autour d’un même support, contrairement aux manuels scolaires. Désormais inséparables du cours de géographie, ces cartes scolaires, qui seront rééditées jusqu’en 1966, sont rangées dans une armoire créée spécifiquement sur-mesure.
De cette période jusqu’aux années 1980, un grand nombre de thèmes sont abordés à l’aide des planches anatomiques : botanique, animalier, anatomie, technologique… poussant de nombreux autres éditeurs à se spécialiser dans leur production, les plus connues étant :
C’est dans le petit village de Nalliers dans la Vienne qu’André Rossignol et son épouse Madeleine enseignent. En janvier 1946, ils créent les Éditions Rossignol et publient sous le label La Coopération Pédagogique. Après un départ modeste mais réussi, elles s’installent à Montmorillon en 1953. Puis, grâce aux idées neuves de leurs créateurs inspirés et géniaux, elles prennent de l’ampleur pour déboucher sur une production éditoriale, prestigieuse par sa valeur pédagogique et sa variété : de nombreux outils à destination des écoles, dont une merveilleuse collection d’images conciliant Art et pédagogie.
Parmi plus de 780 images, ce sont les cartes géographiques qui servent de starter, suivis des tableaux d’histoire, sciences, instruction civique, vie quotidienne et méthodes de lecture… dessinés par des artistes connus comme Pierre Joubert, Michel Demouy, Ray Lambert, Chéri Hérouard ou Robuchon. Des années 50 à 70, ce sont près de 18 millions d’élèves et plusieurs dizaines de milliers d’enseignants que les images Rossignol ravivent, forment, occupent, mais n’ennuient jamais ! Petites particularités : certaines planches Rossignol sont munies de 2 œillets métalliques pour les suspendre, très souvent sur le tableau noir.
Depuis 1986, c’est leur fils Philippe Rossignol qui est à la tête des Productions Rossignol, toujours dans la tradition de qualité et de sérieux : claires, pédagogiques et de couleurs vives.
Créée en 1952 par un ancien instituteur, la maison d’édition MDI est toujours en activité, en étant restée fidèle à sa vocation première : imaginer des outils pédagogiques « clés en main » (coffrets, fichiers à photocopier, fiches pédagogiques, cartes murales, frises historiques…) dans toutes les disciplines, pour accompagner les enseignants dans leur pratique quotidienne. Ce sont les dessinateurs-peintres R.Bresson, Raymond Lambert et Lordey qui ont œuvré. Chaque année, le catalogue MDI s’enrichit : de nouveaux titres, de nouvelles collections, de nouveaux supports pédagogiques. Une offre de ressources numériques est également proposée dans de nombreuses disciplines : Questionner le monde, Sciences et Technologie, Géographie, Histoire…
Cette maison, un lieu unique dans le monde, ne faillit pas à sa vocation pédagogique depuis sa création en 1831 par Jean-Baptiste Deyrolle, très vite relayé par son fils Achille. Tous deux passionnés d’entomologie, ils développent rapidement un commerce florissant, basé sur la vente d’insectes et de matériel de chasse pour les collections d’Histoire naturelle, tout en développant l’activité de taxidermiste. En 1866, c’est Émile qui reprend la maison fondée par son grand-père, époque à laquelle l’Histoire naturelle connaît un véritable engouement : il poursuit l’activité existante et se consacre également à la publication d’ouvrages spécialisés dans la faune et la flore. En 1888, il installe ses bureaux et son magasin au 46 rue du Bac.
L’enseigne, dont la vocation reste avant tout pédagogique, devient une institution mondialement reconnue : grâce à un langage universel, elle s’adresse à un public particulièrement large en fournissant dans près de 120 pays du mobilier scolaire et planches murales à toutes les écoles, collèges, centres techniques & scientifiques, et universités.
Après quelques années de déclin et plusieurs propriétaires, en 2001 l’entreprise est rachetée par Louis Albert de Broglie, qui va restaurer et redonner à cette boutique-musée sa vocation première, en affichant sa volonté de perpétuer l’esprit de ce lieu magique. La démarche pédagogique est renforcée avec la réédition et la commercialisation des anciennes planches pédagogiques.
Mais le 1er février 2008, le feu démarre dans le cabinet d’entomologie et détruit plus de 90 % des collections, du mobilier et des planches pédagogiques. Ce drame suscite aussitôt une avalanche de soutien : les dons de particuliers, la vente de créations spécifiques et d’œuvres offertes par leurs créateurs permettent de tout reconstituer et de ne pas ternir la réputation de Deyrolle. Les animaux et insectes font la une des magazines, et des réalisateurs (comme Woody Allen !) ne sont pas les derniers à être friands des décors et collections de la maison. Pour information, chez Deyrolle aucun animal n’a été tué pour être naturalisé, ils ont une traçabilité, et les espèces protégées sont détenues et livrées dans le respect de la Convention de Washington.
Aujourd’hui, pour certains il reste de ces planches pédagogiques, des souvenirs de cour de récréation, de dictées ou de récitations à apprendre par cœur ; pour d’autres le plaisir de découvrir une page de l’histoire scolaire inscrite dans la culture collective… elles sont aujourd’hui très recherchées par les collectionneurs. Quant aux écoles, elles n’utilisent plus de cartes scolaires, privilégiant plutôt les tablettes !
Sources : http://www.pp-rossignol.com/historique.htm – https://magazine.interencheres.com – http://alaric83.free.fr – https://www.deyrolle.com – https://www.mdi-editions.com
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